On était bien dans notre vieille bagnole pourrie, elle a l'âge de la moyenne du parc automobile français, ça fait bien longtemps qu'un des feux stop ne s'allume plus à cause d'un dysfonctionnement électrique, que l'autoradio ne fonctionne plus à cause d'un dysfonctionnement électrique, à part ça, elle roule. On était bien, donc, le gros radio-cassette sur les genoux à écouter du jazz de big band des années 40 et entre autres une merveille des Rolling Stones, sexdrive (calqué sur le sexmachine de James Brown), alors que les mômes dormaient à l'arrière. Il était plus de deux heures du matin, nous étions sur la route suite à un coup de tête qui nous avait pris 6 heures auparavant. Nous allions bientôt dormir dans la vieille masure normande parmi la poussière et les araignées et n'entendre au matin que le chant des oiseaux. La maison de famille n'a que sa cheminée jamais ramonée, ses pierres de granit authentiques et sa nature indomptée pour plaire. Elle ne connaît ni les diktats de la mode-déco-branchée, au contraire on se croirait dans une succursale d'emmaïus, ni le confort moderne, juste l'électricité, un robinet d'eau froide, chaude depuis l'année dernière, une douche et un seau comme chiottes, artistiquement posé dans la petite cabane en bois jouxtant le côté de la maison. Profiter de l'unique chambre, sans la partager avec les frères et les soeurs, ce sera agréable. Se goinfrer de la bidoche locale, rouge et bien grasse, cuite au feu de bois, ce sera aussi agréable. Aller écouter les tontons et tatas se plaindre du lait trafiqué pourri ramené de Pologne parce que pas chèr et s'entendre décrire le tronçonnage d'un obèse veau mort-né à même le ventre de sa vache de mère, ce sera revi-gor-ant. Agréable, ce le fut, désagréable plus encore.
Un vent de folie de modernité s'est emparé des hommes du coin, ils se sont mis à saccager cet endroit aux allures surannées. Le petit chemin qui descendait a été élargi en vue d'y couler du macadam. Les arbres ne feront plus la révérence, amputés désormais de leur bras gauche, un bidouillage de piquets et barbelés faisant office de prothèses. Le chemin n'aura plus sa touffe d'herbe au milieu qui chatouillait la bagnole à chaque descente, le pubis rasé, il a été recouvert de gros cailloux identiques à ceux du ballast ferrovière. Tous les jours, à pile 15h, un vieux con d'hyperactif est venu nous jouer de la tronçonneuse, il faisait chaud, il avait besoin de bois de chauffage parce que, vous savez le fuel domestique c'est devenu chèr, j'avais fui les mobylettes pétaradantes en vain. Des hectares de subventions au bio carburant avaient remplacé les cultures traditionnelles, de grandes tâches jaune fluo artificiel s'étalaient partout. C'est joli le colza mais ça dégage comme une odeur de pipi, ça tombait bien le champ en face était planté de colza. Il ne restait guère qu' un beau jeudi pour tuer Kennedy pour sauver les meubles, et encore. Il est gentil Picouly avec son livre d'atmosphère, il ne dérange pas, il ne fait pas mal à la tête, il écrit bien.
Les références :
top hat, white tie and tails preview 30s
sexdrive
qu'est-ce-que du granit
la vraie vie des gens
colza
très photogénique
le dernier Picouly
vous rêver d'y passer vos vacances, le contact ou le lien granit là haut, + sûr
10 mai, 2006
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