01 mai, 2006

Si t'aimes pas ma soupe, ne l'avales pas

aurait le droit de me rétorquer Thomas Bouvatier à propos de son dernier "roman", La pigmentation du caméléon, sauf que j'ai la fâcheuse habitude de finir ce que je commence, question de politesse. Ceux qui se délectent sur de l'Alexandre Jardin seront ravis de découvrir son fils spirituel. Ils charrient chez Plon quand la quatrième de couverture aguiche d'un appétissant "comédie fantasque et jubilatoire sur le thème de la douloureuse métamorphose amoureuse" alors qu'il ne s'agit que d'une histoire débile de jeunes parisiens friqués obnubilés à ranger leur quéquette et zézette dans un conte de fée amoureux gnangnan.
Pour moi, la littérature c'est plutôt ça. Je vous livre, ici, l'analyse fantastique et jubilatoire de la douloureuse dégustation de la fraise, expérimentée par un de mes critiques culinaires préférés, Jean-Pierre Géné, poète, dramaturge, romancier tout à la fois : "(...) Elle se présente généralement énorme, en habit rouge à col blanc, avec le pédoncule frisé pour faire frais. J'en ai pesé jusqu'à 42g l'unité. Des monstres précoces, taillés pour réussir dans la vie, résistants au transport et toujours propres en devanture. Pour comprendre la camarosa, il faut l'éplucher. Quand on lui coupe sa tête blanche qui a oublié de mûrir, le couteau fait le même bruit que s'il entrait dans une granny smith. Du solide, qui peut tomber sur le carrelage sans prendre un "cognon". A l'intérieur, la camarosa est rose et creuse. Plus elle est grosse du dehors, plus elle est vide du dedans. C'est la marque du génie californien : faire gros et creux à la fois. Cette fraise n'est rouge qu'en surface, arborant un crépi rubicond sur une chair filandreuse et rosâtre, fauchée en pleine jeunesse. Cela reste entre-nous, mais la camarosa est poilue. Lorsqu'elle attérit sur l'évier, mal rasée après un long parcours, on caresse une barbe de 3 jours. C'est la médiocrité faite fraise. (...)"
Quel talent, il "baffe" le Ponge que je honnis depuis mes années collège ainsi que le Bouvatier sus-cité.

Aucun commentaire: