10 avril, 2006

A--mènes ta fraise

Mieux que le brin de muguet -chèr et pas magique-, plus fort que le gri-gri de Danielle Gilbert -vulgaire canada dry-, j'ai le rameau, figurant la souffrance du christ mort sur la croix et ressuscité pour nous, la branche de buis bénite magique, magique pour celui à qui on aura taillé la haie à moindre frais. Tous les ans, c'est pareil, pourtant reconvertie agnostique convaincue, un fond de pensée catholique pour faire plaisir à maman qui n'est pas dupe mais préfère jouer à l'autruche m'entraîne à la messe des rameaux pour en ramener ce fameux buis magique qui va protéger ma maison du mal. Rien qu'en l'écrivant, je me rends bien compte de l'absurdité de la chose.
Pas de chance, le curé de permanence n'était pas le gouailleur habituel, un rigolo pas chiant pour deux sous mais son remplaçant, un vieux formé à l'ancienne et aux sermons, tellement vieux qu'il fait passer ses absences pour de la méditation. Le ton est donné, "l'esprit est ardent, la chair est faible", l'assistance, poivre et sel tendance dégarnie courbe l'échine et mon corps commence déjà à s'impatienter. Je gigote, je ne tiens pas en place. Flûte traversière, le chant enregistré passe en boucle entre la lecture de l'évangile et autres sermons, je le mémorise à la manière de ces refrains agaçants "besoin de rien envie de toi ah...". "Tu es passé de la mort à la vie Par le chemin des hommes Tu es passé de la mort à la vie Toi Jésus-Christ, Toi Jésus-Christ". Le curé Luc nous arrache alors à notre ataraxie en vociférant un "Restons OUÏ devant LUI!" ou un énigmatique "Agissons dans le détail des jours". Le nom de Barabbas capte mon attention, je le vois sous les traits d'Anthony Quinn, l'acteur occupe un moment mon esprit. Je détaille les fidèles, ils se dandinent comme moi, sauf une. Elle paraît sortie d'une image d'Epinal, celle de la sainte béate, sans expression, dans un ravissement total. Elle ne bouge pas d'un poil, elle a même les yeux fermés. Elle est hors-temps, hors-mode, hors-normes. Voici le prélude au vin et pain bénis, elle s'agenouille, les mains en prière. Quelle singulière personne, elle est autant investie que moi l'inverse. C'est l'heure de l'hostie, un grave combat s'annonce. Y aller, c'est s'avouer qu'on y croit, ne pas y aller c'est passer à côté de l'absolution, à commencer par mon imposture...
Si j'étais un garçon, je serais tenté de penser à un "ça commence à me casser les bonbons toute cette histoire!" Amen.

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