19 mars, 2006

copine d'occas

La politesse veut que tu répondes au faire-part de naissance par une visite de courtoisie surtout si l'on est redevable à la fraîche parturiente d'un présent vieux d'une paire d'années aux mensurations exagérées 80*30cm, + de 3kg, estampillé aux éditions de La Martinière.
C'était la copine du moi-en-devenir, de ces années adolescentes riches de nouvelles expériences; une petite sixième, perdue et timide faisant écho à ma carcasse effarouchée. Premier choc social, en découvrant qu'elle était le fruit d'une union que je pensais impossible, en tout cas jamais vu dans nos familles prolétaires, à savoir une cadre de l'éducation nationale engrossée par un ouvrier. C'était la première boum, aux danses endiablées, la tête secouée dans tous les sens sur des "Téléphone" survoltés "des balles doum doum aux roues des bagnoles au rythme tchouc thouc du train des Batignolles au murmure de la ville, au matin des nuits folles rien ne t'affole..." Non rien, ni l'initiation au ski, - 0 à l'altimètre dans ce parc urbain du plat pays ni plus tard les manifs festives au son des "Devaquet au piquet" (le bonhomme a mal tourné, il conseille notre président désormais) ni même les premiers émois pathétiques d'une belle nouille devant son voisin, mais quel voisin fantastique elle avait!, parfait sosie de robert redford à l'époque d'out of africa qui m'avait installée entre ses jambes pour nous envoyer en l'air. Un duo inséparable effrité au fil des études, de nos (r)évolutions différentes... un fil ténu quasi invisible. A "rétrospectiver" ainsi, se rendre compte de l'abscence de rires mémorables, la clé certainement de ce délitement inéluctable.
Accueillie par son compagnon revêche qui pète plus haut que son cul se prenant pour Nietzsche parce qu'il a fait des études de philo, je regrette déjà d'être là. Les murs retiennent une forte odeur d'ail et d'échalotes frits, la pièce aménagée de bric et de broc est sale, sombre, la montagne de linge en attente de repassage gît sur la table de la salle-à-manger, en un mot c'est le bordel. Friedrich Nietzsche, notamment auteur de la "Naissance de la tragédie" s'éclipse prétextant "une négation de l'expression vitale au profit du culte factice de la vérité et de la soumission aux impératifs moraux", je lui réponds avec ironie que je suis vexée et enchantée intérieurement qu'il se casse. La copine qui se laisse aller (3) donne le biberon, le gigot pleure, il en veut encore ou a mal. Et par politesse je lui réclame l'historique de son accouchement jusqu'à maintenant, par expérience je sais que les accouchées n'attendent que ça, j'essaye de toutes mes forces d'être intéressée, en vain ça pue tellement l'ail et l'échalote, le passage sur la crotte jaune du gigot me laisse interdite, un blanc, parlons-donc des anciens amis communs perdus de vue. Ca meuble les histoires d'anciens combattants, dehors le ciel bleu limpide me fait du pied, je me sens oppressée dans ce capharnaüm, j'ai besoin d'air. Oui, oui on se téléphonera. Je ne suis pas fière de mon hypocrisie mais faut se montrer gentil avec une jeune maman, souvent émotive, et puis quand même elle a été ma meilleure amie...pas facile de tout laisser tomber.

Aucun commentaire: